DESSALEMENT ISENTROPIQUE ( a coût énergétique minimal ) DE L'EAU DE MER

Introduction
Actuellement le prix du m3 d'eau de mer dessalée varie entre 0.5 et 2 €. C'est suffisamment peu cher pour la consommation humaine, mais pas pour l'agriculture.
Le Sahara est une grande étendue pleine de soleil (10 kWh/jour) presque inutilisée. Chaque m² de désert, irrigué à 1000mm/an (=précipitations abondantes) soit 1m3/m²/an peut produire 100 quintaux/hectare (=1kg/m²/an) de blé par exemple, dont le prix de vente est de 0.15 €/kg (cours mondial). Il faut donc 1m3 d'eau pour gagner 0.15 €. Le seuil de rentabilité est atteint en dessous de 0.15 €/m3 l'eau dessalée. Actuellement Kadhafi fait pousser du blé à 8 fois le cours mondial, soit 1.2 €/kg. Il paye probablement son eau à 1.2 €/m3 ou moins. Pour que cette expérience puisse s'agrandir il faut donc tomber le prix du m3 d'eau à moins de 0.15 €. Techniquement, on peut évaluer le coût énergétique d'un procédé de dessalement (en kWh/m3). Pour l'équivalence kWh-prix on utilisera 0.10 €/kWh (prix EDF) comme prix de l'exergie (énergie disponible sous forme de travail et non seulement de chaleur).
Ce coût énergétique du dessalement peut être abaissé pour s'approcher aussi près qu'on veut des limites imposées par le second principe de la thermodynamique, à savoir la conservation de l'entropie ( la création d'entropie (en W/K) étant une mesure des irréversibilités, pertes exergétiques du procédé : 1 W/K d'entropie créée = un frottement de 290W à la température ambiante 290K).
La bonne question (celle qui révèle l'horizon technologique, et que personne n'a posé sur le web) est donc:

Quel est le coût isentropique du dessalement de l'eau de mer ?
L'eau de mer contient 35 g/litre de sel (NaCl). 1 mole de NaCl =23+35.5= 58.5 g. L'eau de mer contient donc 0.6 mole/litre de NaCl.
A.L'enthalpie de dissolution du NaCl est de 3.88 KJ/mol à 25°C (300K) à dilution infinie. C'est la quantité de chaleur qui se dégage lors de la dissolution. Comme je ne sais pas corriger le calcul en fonction de la dilution, je compte 0.6*3.88=2.328 kJ/litre, soit une augmentation d'entropie de 7.76 J/K. Pour dessaler l'eau, il faut réaliser le processus inverse, c'est à dire extraire 7.76 J/K par litre d'eau, à température constante, et rejeter cette entropie à l'extérieur, soit une chaleur de 2328 J/litre, énergie qu'il a fallu fournir.
2328 J/litre = 2.328e6 J/m3 = 0.65 kWh/m3 = 0.07 €/m3.
Pour vérifier, faisons le calcul autrement.
B.Il existe un procédé de dessalement dit d'osmose inverse. On pousse l'eau salée à travers une membrane dite semi-perméable. L'eau passe, pas le sel, moyennant une perte de pression au moins égale à la pression osmotique de l'eau salée. La pression osmotique d'une solution est égale à celle du soluté considéré comme un gaz parfait et confiné dans le même volume. Pour une solution de NaCl il faut compter séparément les ions Na+ et Cl-. Appelons P cette pression osmotique, N la molarité NaCl, R=8.314 J/mol/K, T=300K la température absolue. On a P=2(1000N)RT=5e6N. Pour 0.6 mol/l, P= 3e6 Pa = 30bar, et l'énergie de transvasement est 3e6 J/m3 = 0.83 kWh/m3. A saturation (330 g/l = 6 mol/l), P= 3e7 Pa = 300bar, et l'énergie de transvasement est 3e7 J/m3 = 8.3 kWh/m3. Si l'on extrait de l'eau pure jusqu'à rejeter de la saumure saturée, le travail fourni est E=integrale(-PdV) avec V=1/1000N (m3/mol) pour V=integrale(dV). Donc E/V = -integrale(5e6.1e-3.N.-dN/N²)/integrale(1e-3.dN/N²) = 5e3.ln(N)/(-1e-3/N) = -5e6.ln(6/0.6)/(1/6 - 1/0.6) = 7.67e6 J/m3 = 2.13 kWh/m3 = 0.21 €/m3. Cette valeur est sensiblement différente de la précédente, car on rejette de l'exergie dans la saumure saturée.
Essayons donc une 3ème évaluation.
C.La baisse de pression de vapeur saturante à 100°C est d'environ 28mmHg/(mol/l) soit 3730 Pa/(mol/l). A 0.6 mol/l, la pression de vapeur est donc 101325-0.6*3730 = 99087 Pa.
On peut recomprimer cette vapeur jusqu'à 101325 Pa, à coût exergétique minimal, c'est à dire isentropiquement (la compression isotherme, plus favorable, n'est pas réalisable).
rho=0.5853 kg/m3, S=7.3634 J/kgK, H=2674.6 kJ/kg, cp=(dH/dT)P=2000 J/kgK, (dS/dT)P=5.218e-3 J/kgK², (drho/dT)P=-1.562e-3 kg/m3.K, (dP/dT)sat=3670 Pa/K, (drho/dT)sat=1.98e-2kg/m3.K, (dS/dT)sat=-1.36e-2 J/kgK²
travail dW=(dH)S=(dH)sat+(dH)P=(dP)sat/rho+(dP)P/rho =(dP)sat/rho=3730*0.6/0.5853 J/kg=3824 J/kg=3.824e6 J/m3 d'eau=1.06 kWh/m3.
Les 3 calculs A,B,C sont sensiblement différents. A ne tient pas compte du fait que la dilution n'est pas infinie. B ne tient pas compte du fait que la dissociation n'est pas totale, C ne tient pas compte que la vapeur est compressible et que la transformation se passe à 100°C au lieu de 25°C. Le calcul B est le plus interessant dans la mesure où il permet de corriger le calcul en fonction de la salinité de l'eau de rejet. Corrigeons le du coefficient d'activité de la solution. La formule donnant la pression osmotique est alors: P=gamma.2.(1000N)RT, où P est la pression osmotique, R=8.314 J/mol/K, T=300K, N=molarité (mol/l), gamma=coefficient d'activité (dépendant de N) donné par la table suivante
N en mole/litre .001 .01 .1 .5 1 2 5
gamma .965 .903 .779 .681 .657 .668 .874
gamma(0.6)=0.676 d'où P=2.024e6 Pa=20.3 bar, puis
E/V=0.563 kWh/m3 soit 0.06 €/m3 = coût limite de dessalement de l'eau de mer
20 fois moins cher qu'actuellement , équivalent à une montée en altitude de 206 mètres , l'altitude moyenne du Sahara étant de 200m.
En s'arrangeant pour avoir des pertes de charge (de pression) en conduite pas trop élevées, on peut largement tomber en dessous des fatidiques 0.15 € le m3 , et
transformer le désert en océan de verdure, de façon durable et économiquement viable.
On notera que le coût pratique est nécessairement plus élevé, ne serait ce qu'à cause de la salinité plus forte de l'eau de rejet, qu'il vaut mieux contenir à 2 fois la salinité normale, soit 70 g/litre. Alors E/V=0.563*TC*ln(TC)/(TC- 1) kWh/m3, où TC est le taux de concentration (salinité de l'eau rejetée / salinité de l'eau de mer), inférieur à 3, soit pour TC=2, E/V=0.78 kWh/m3.
Réciproquement, toute eau douce qui se jette dans la mer peut devenir une source d'énergie électrique fournissant au maximum 0.563 kWh/m3, équivalent à un dénivellé de 206 mètres.
La Loire, la Garonne (650 m3/s) constituent ainsi des gisements hydroélectriques de 1.31 GW, le Rhône (1700 m3/s) de 3.44 GW, correspondant à des rendements financiers respectifs de 1.15 et 3 milliards d'euros par an.

PS: D'après un ingénieur libyen (courrier international du 4 octobre 2001), les prix d'obtention de l'eau sont, pour la Lybie et par procédé
Procédé Importation par pipeline depuis le sud de l'Europe Importation par bateau depuis l'Europe Désalinisation "Grande rivière" pipeline saharien depuis nappes aquifères
Prix 1.04 €/m3 0.73 €/m3 0.97 €/m3 0.05 €/m3
Donc le prix actuel de la désalinisation peut être divisé par 20, et la succession de la grande rivière (50 ans de réserve) est assurée.
Pour information, une distillation bestiale (à chaleur perdue) de l'eau de mer consomme 638 kWh/m3 = 64 €/m3 !!
Le calcul isentropique est une limite inférieure de coût tous procédés confondus (distillation, osmose inverse, électrodialyse, ou autre). En chassant dans un procédé (quelconque) toutes les sources de création d'entropie on peut l'atteindre.
Pour aller plus loin, Isentropics.org vous propose
2 pages
3 procédés
réflexions sur le dessalement de l'eau de mer
métamembrane à alvéoles pour osmose inverse
dessalement de nappe aquifère
évapo-condenseur pour dessalement d'eau de mer
Procédé de distillation isentropique simple effet



question?
liens
dessalement
index
isentropiques